•  Vols, effractions...

     

                Après les rixes, les délits champêtres et forestiers, voici le dernier volet d’actes de délinquance, sans doute parmi les plus graves et heureusement rares, il s’agit de vols de biens aux particuliers et d’effractions.


                22 avril 1792. Constat de vols dans deux maisons. Les officiers municipaux se sont rendus dans deux maisons pour constater les vols qui y ont eu lieu pendant la nuit.


                1) Maison de Nicolas Pierrot, mercier : ... nous nous sommes transportés sur les lieux pour et vérifier ses faits et tâcher de récupérer les vols comis ainsi que reconnoître les auteurs de délits. Nous avons reconnû dans la maisons dudit Nicolas Pierrot que les vollets de la chambre du bout de la cuisine donant sur le jardin au derrière ont été forcés et les gons arrachés par un piquet resté au dehors de la ditte croisée, et un barreau de bois coupé, un petit carrau cassé pour ouvrir la ditte vitre ; etant a la cuisine nous avons trouvé la pelle a feû a cotté de l’armoire laquelle a été fracturée dont la serrure en est arrachée, ou l’on a pris générallement tous ce qu’il pouvoit y avoir tant en draps, linges, chemise de hommes de femmes et d’enfant, ainsi que tous les habillements, ont aussi pris toutes les coiffes et mouchoir, enfin laditte armoire est entierement vuide, plus une bande de lard avec un autre cartier, plus un plumont avec son traversin, courte pointe[1] d’indienne[2] garnie en laine et les deux draps ; nous avons encore remarqué que l’on a fait les balot, dans le jardin au derrière de la ditte maison par la terre qui en est batue.


                Nicolas Pierrot était mercier mais vendait également des linges, draps, chemises, mouchoirs, coiffes. Le vol s’est probablement produit en son absence car il y a eu effraction ce qui ne s’est pas fait sans bruit. On avait arraché les gonds des volets de la chambre derrière la cuisine, brisé un carreau, forcé l’armoire de la cuisine avec une pelle à feu et on aurait pris le temps de faire un ou plusieurs ballots dans le jardin avant de s’en aller.


                2) Maison de Joseph Lironcourt, laboureur. De la nous nous sommes transportés au domicile de Joseph Lironcourt laboureur, etant en la chambre au bout de la cuisine nous aurions remarqué que l’on avoit couppé un barrau de bois ensuite la vitre jetté en dedan par un tison de bois qui est resté dans la croisée et où l’on a pris un lit de plumes avec son traversin, du fille (fil) et 4 miche de pain qui ont été trouvé par Jean Bte hubeaux de la commune de hareville sur les 5 heures du matin dans un champ applé la vigne a quelques 100 pas du vilage allant du cotté du neuchateau plus un sac...


                Les voleurs sont entrés de la même manière chez Joseph Lironcourt et se sont intéressés à la literie et au pain qui a été retrouvé avec un sac par l’instituteur Jean-Baptiste Hubeaux.


                ...nous étant enquis auprès dudit Joseph Lironcourt s’il avoit vû ou entandû faire les dittes fractures, il nous a rèpondû que non, comme fatigué il étoit endormi de son premier sommeil au moment qu’on la volé... !!!


                Rien n’indique, par la suite, que les voleurs ont été trouvés.

                14 mars 1796. Vol d’habits à Bourmont. Nicolas Huguenin, vigneron à Bourmont est venu vers 19 heures porter plainte contre une fille de Harréville. Dans la nuit il à été vollé par la nommé marie margrenault fille de Jacque Margrenault et de marie anne Poignant ses pere et mere et duquel a comis fracture dans une armoire placée dans une chambre haut, dans la maison dudit vigneron plaignant, et duquel la serrure est arrachée et à emporté et enlevé tous les linges en grande partie et habillement de son épouse ainsi que son christ d’or et autres effets et sur le champ, la ditte Marie Margrenaux à partie du domicile du plaignant, qui l’a laugeoit nourrissoit par charité depuis 15 à 18 jours, pourquoi il forme plainte sur le règistre de la ditte commune et denonce la ditte Marie Margrenault pour ce en cas quelle se transportoit en la commune d’hareville qu’elle soit arréte par la réquisition du citoyen Claude Létoffé agent, prenant le dénonciateur le tout à ses risques perile et fortune et a signé...


                Le vigneron, prévoyant que la fille reviendrait tôt ou tard chez ses parents, a pris les devants et a parcouru le jour même du vol la dizaine de kilomètres séparant Bourmont d’Harréville pour que l’agent de la commune arrête Marie Margrenaut dès son arrivée.


                27 novembre 1795. Plainte pour vol d’agneaux. Le vol d’agneaux semblait être une pratique relativement courante comme l’atteste ce qui suit. Le 6 frimaire an IV (27 novembre 1795) Jean Bte Habert cultivateur [...] se seroit aperçû qui lui manquait un agnaux femelle de 23 jours, qu’il auroit eû soubçon que l’agnaux lui avoit été volé dans la commune, que depuis très longtemps plusieurs individus se sont plaint de pareil vol...Il invite donc les autorités communales à chercher et à découvrir les auteurs et complice du vol dont sagit.


                Il est plus que probable que Jean-Baptiste Habert connaissait son voleur. Plutôt que de régler son problème tout seul, il a préféré officialiser la chose en y envoyant les autorités qui se sont rendus presque immédiatement chez l’auteur du vol. Après avoir toutefois rendu visite chez plusieurs particuliers, ils sont allés au domicile de Jeanne françois fouriot voeuve de feu Nicolas Bas le jeune demeurant audit haréville et duquel nous y avons trouvé un agnaux femelle laine blanche que la femme de Jean-Baptiste habert plaignant à répeté et reconnû être la sienne, et duquel laditte Jeanne françoise fouriot à répondû que s’étoit la sienne et qu’elle n’étoit point celle dudit habert, ne pouvant terminer cette difficulté nous (le maire et deux témoins) nous étion retiré, mais un instant après avons interogé quelle étoit le nombre de bêtes a leine (laine) que laditte fouriot avoit alors, elle a répondû quelle en avoit 7 ce qui paroit faux attendû que cette ditte Jeanne françoise fouriot à remis un instant après la bête alleine (à laine) dont sagit audit habert et que la fille ainée de la ditte Jeanne françoise fouriot nous a déclaré n’en avoir que 5, encore à t’elle dit être les siennes [...] ajoute en outre que sur les une heure après midy le pâtre allante empature (allant en pâture)  avec le troupeau de bete blanche, ce dernier auroit vû laditte Jeanne françoise fouriot qui retenoit une bete a leine, lui a demandé pourquoi elle retenoit cette brebis elle à repondû quil etoit en vendre qu’il ne pourroit passer l’hiver et que c’étoit pour la tuer....


                Il s’agit bien de la même personne qui le 6 juillet 1766 s’était réfugiée chez ses parents pour échapper à son jeune mari Nicolas Bas le jeune (cf. rixe n° 2) et qui a été mise en joue le 1er mai 1770 par Etienne Bienfait, minier qui l’avait traitée de putain (cf. rixe n° 3). Elle était veuve depuis 9 mois (son mari était décédé le 2 février 1795) au moment des faits ci-dessus. Aucune suite ne semble avoir été donné à ce vol attesté.


                Le gigot caché. Voici la relation d’un fait assez bizarre qui s’apparente à un vol mais qu’on évitera de considérer comme tel. Le 30 vendémiaire an 12 (23 octobre 1803), le maire Claude Létoffé, son adjoint Nicolas Borlot et le garde-forestier et champêtre Nicolas Lamothe, suite à des délits forestiers, se rendent chez plusieurs habitants pour perquisitionner et tacher d’en découvrir les auteurs pour les faire punir selon les loix, en faisant les mêmes recherches ils ont trouvé chèz le citoyen Jacques lagny cordonier domicilié à hareville un gigot pesant environ 3 livres de mouton, ou de brebis dans un souterrain construit dans le poële du dit jacques Lagny ; comme la rumeur public est dans la ditte commune d’hareville que quantité de citoyens perdent à chaque instant des moutons ou brebis, nous avons requis ledit Jacques Lagny qu’il ait a nous justifier ou il a eu le gigot ; il nous a répondu qu’il l’avoit acheté d’un individu de la commune de pont pierre ; nous nous en sommes saisis en attendant qu’ils se justifieroit ; attendu qu’il a été défendu à son de caisse (le tambour de l’appariteur) dans toute la commune qu’on ne turoit aucune bête soit mouton, soit bêtes à cornes sans en prévenir les autorités...


                Assez bizarrement, en cherchant du bois volé, le maire, l’adjoint et le garde-forestier ont trouvé un gigot de mouton dans un souterrain aménagé dans la pièce du fond, derrière la cuisine !!! On peut difficilement admettre que le hasard seul fut à l’origine de cette découverte. Jacques Lagny s’est défendu mollement en parlant d’un achat fait à un individu de Pompierre... Il ne sera d’ailleurs pas accusé de vol mais on lui reprochera simplement d’avoir enfreint la loi en ne signalant pas aux autorités l’abattage de l’animal. Il n’y a pas eu d’enquête à Pompierre, on n’a pas cherché les restes de l’animal... Le surlendemain, c'est-à-dire le 25 octobre 1803 les cens (citoyens) maire et adjoint de la commune d’hareville ont fait remettre en terre lieu dit la vigne un gigot de mouton ou de brebis qu’ils ont trouvé chez le cen Jacques Lagny.... Parmi les signatures de ce procès-verbal, on trouve celle de Jacques Lagny qui a en toute logique assisté à la mise en terre de son gigot sans doute bien faisandé. De voleur implicite, il est devenu témoin. Son honneur semble sauf. Tout s’est passé comme si on n’avait pas voulu envenimer les choses en laissant une porte de sortie honorable à Jacques Lagny, en espérant peut-être que la leçon porterait.


                Cette manière, assez délicate, de ne pas humilier quelqu’un en lui faisant perdre la face rappelle une attitude similaire non signalée dans la rixe n°1 : le 16 janvier 1781, alors que Germain Maret et François Etienne Fouriot étaient attablés chez le syndic et cabaretier Henry Rollet à Goncourt, la femme de henry Rollet s’aperçut qu’il manquait un couteau sur la table elle s’en plaignit fouriot fils insista qu’on devait se fouiller. En effet il fouilla le jeune engagé (G. Maret),après quoy il dit : Sortons. Le couteau se trouvera. En effet etant sortis tous deux et revenus fouriot saisit du couteau dit : voila le couteau il n’est pas perdu il s’est retrouvé et le posa sur la table en faisant des excuses audit Rollet... Tout laisse penser que le voleur était Germain Maret mais rien ne permet de l’accuser. Son honneur est sauf et le couteau a retrouvé sa place.


                Et pour terminer ce chapitre consacré au vol, voici, recopiée dans son intégralité, la relation d’un acte de vandalisme effectué dans la sacristie. Ce jourdhuy 1er avril 1793 l’an 2 de la République françoise que cejourdhui a 5 heure du matin Jean-Baptiste hubeaux maitre d’ecolle de notre paroisse ètant allé pour sonner les angelusse auroit appersu a la croisé du sacristie une fraction faitte d’un barau mis hors de sa plasse lequel hubeaux sétant transporté tout de suitte che le cytoien françois Messagé maire actuel et de suitte le dit maire a fait avertir les officié munisipau accompagné de leurs greffié ainsi que de leurs sergent a l’instant setant transporté dedans ledit sacristie nous y avons trouvé un morsau de bois en forme de levié et nous avons reconnu un barau de la croix enlevé et jetté a coté et la pierre brisé nous avons pareillemant trouvé 7 sairure forsé et jette sur le planché et aux droits des serrure qui nous a paru avoir été forsé par un sizau a bois et les volet aux droit des serrure se trouve écaillie et aussi reconnu dans les equelles (écuelles) que lon les avoit volé et même que nous en avon retrouvé des jetté partaire et avons déposé ledit levié que nous avons déposé aux greffe et ce pour quoi nous avons dressé le présant procet verbal pour valoire et servir le cas echeant fait les jours mois et ans susdit sous le singt du maire et officié munisipau et celui du gerffié. N. Et. Henrion p. de la commune, Prudent Antoine officier municipal, A. Guillery Elus, P Guillery greffié, françois messagé maire, JB habert elû


                Quelqu’un s’est attaqué de nuit à un symbole fort de l’Ancien Régime. On a enlevé un barreau de la croix et brisé la pierre (probablement la représentation du Christ). On a forcé 7 serrures et jeté le tout à terre. L’acte qui semble être le résultat des errements d’un exalté est suffisamment symbolique et représentatif d’une époque où certains esprits avaient manifestement pris sans modération le parti des idées nouvelles ou peut-être plus pragmatiquement saisi l’occasion pour régler des comptes ou plus stupidement pour provoquer. Qui était réellement visé ?


    Sources : - Registres municipaux .

                   - AD52. L 2464. Agression à Harréville les Chanteurs, 16 janvier 1781.


                                                                       Marcel Frantz



    [1] Courtepointe : couverture de lit faite d’une étoffe double piquée point contre point, et dont l’intérieur est garni de coton, de ouate ou de laine.

     

    [2] Indienne : tissu en coton et/ou en lin, teint ou imprimé, généralement fabriqué dans la région rouennaise.


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