• ABANDON D'ENFANT Partie 2

     Mardi 23 mars 1790, comparution de Joseph Protois.

    ... sommé par Jean Fouriot maire de la Municipalité de dire vérité au sujet de la disparition de l’enfant de Marie Maret, a répondu que le 17 du courant françois Marot ancien aubergiste a haréville seroit allé chercher lui-même ledit protois dans son domicile et l’auroit emméné dans le sien, c'est-à-dire dans celui dudit Marot, ou buvant une bouteille il lui à offert la somme de 15 livres de france pour porter l’enfant de laditte Maret ou il pourroit, et le plutôt débarassé Meilleur, que ledit marot lui auroit effectivement donné les 15 livres le soir du dit jour, qu’il etoit partit le lendemain 18 et avoit déposé ledit enfant dans une allée du bois contigu au jardin du château de Brouthiere ; qu’un instant après il avoit été ramassé par la dame du château ; ledit protois déclare qu’il étoit accompagné de sa femme, et que le soir même ils l’auroient vu arranger et teter chez une femme dudit Brouthiere. Lu et relu ledit protois a persisté et dit icelle déclaration contenir verité, et a declaré ne scavoir signer de ce interpellé...

     

              La version de Joseph Protois diffère sensiblement de celle de François Marot. Ce dernier serait venu le chercher chez lui et le marché aurait été conclu autour d’une bouteille. Il s’agissait pour lui de se débarrasser au plus vite (plutôt débarassé Meilleur) de l’enfant. Par contre, sa version est conforme à celle de sa femme. Il précise même qu’ils auraient vu le soir du 18 mars l’enfant « arrangé » et « téter » chez une femme du village (à qui la châtelaine l’aurait confié.)


    Mardi 23 mars 1790, comparution de Marie Maret.

    et le même jour 3 heures de relevé s’est présentée Marie Maret fille majeure demeurante à haréville sommée verballement par la forme de police par le sergent des lieux de se trouver à la salle du présent greffe, et à l’instant interpellée par le maire de la Municipalité de représenter l’enfant dont elle etoit accouchée le 3 janvier dernier ; n’ayant pu le faire, elle a répondu que le 17 du présent mois françois Marot aubergiste de ce lieu, auroit donné de l’argent à Joseph protois manouvrier audit haréville, et que le lendemain ledit protois accompagné de Marianne Bourdot sa femme seroient venu chercher son enfant soidisant pour le bien placer ; qu’ayant appris par la rumeur publique que son enfant avoit été exposé,  elle seroit allée à sa recherche, et auroit appris qu’il y avait eu un enfant exposé auprès du château de Brouthiere, elle s’y seroit transporté, et auroit véritablement rapporté un billet signé Busson de simoni, par lequel Madame de Simoni atteste avoir trouvé un enfant Male le 18 du present mois dans son bois attenant à son château, avec un billet au col comme il étoit baptisé, et la fait passer incontinent aux maisons de charité à St Dixier fait à Brouthiere le 20 mars 1790. Mais comme ledit billet n’est revetu d’aucune formalité légalle nous avons ordonné qu’il seroit deposé et joint aux présentes pour valoir en tant que raison. Laditte Maret à dit icelle déclaration contenir vérité, lu et relu à persisté et déclaré ne scavoir signer de ce interpellée, fait et arreté au greffe de la Municipalité d’haréville les ans et jours avant dit sous le seing des membres de la Municipalité et présents.

     

              D’après sa déclaration, Marie Maret cherche à se dégager de toute responsabilité. On serait venu chercher son enfant « pour le bien placer », ce qui ne lui paraît pas choquant et semble même presque naturel. C’est encore une fois la rumeur publique qui lui aurait appris que l’enfant aurait été exposé, c'est-à-dire abandonné, ce qui a causé son départ précipité pour le rechercher, (l’exposition d’enfant était une infraction grave). En fait, elle s’était rendue au château de Brouthières très probablement accompagnée de Joseph Protois pour obtenir le fameux billet attestant que l’enfant était en sécurité. Comme les trois autres, elle a déclaré ne savoir signer. Pourtant quelqu’un avait bien attaché un écrit au cou de l’enfant précisant qu’il était baptisé et que personne au greffe n’a relevé !!

     

    Ci-dessous la photo du document que Marie Maret est allée chercher, écrit de la main de la châtelaine.

     

     

    Madame de Symony atteste avoir trouvé

    un enfans male le dix huit du present

    mois dans son bois attenans son chateaux

    avec un billet au col comme il étoit Baptisé

    et la fait passer incontinans aux maisons

    de charité a St Dissiere Et en fois de quoi

    gai délivrée le present certificat fait

    a Brouthiere ce 20 mars 1790

    busson de simonie 

     

              Ce qui est surprenant pour un lecteur du siècle actuel, c’est que l’affaire s’est arrêtée là. Le document de la châtelaine n’est revetu d’aucune formalité légale mais il sera joint aux notes du greffe pour valoir en tant que raison, formule vague pour indiquer qu’on s’est inquiété de la disparition de l’enfant, qu’on a cherché à savoir s’il a été recueilli et non pas abandonné. Le papier signé de la main de la châtelaine a suffi pour calmer les questionnements de la communauté et des officiers municipaux. La santé de l’enfant, son devenir ne semblent faire partie des préoccupations de personne et les responsables de cette affaire ne seront plus inquiétés.


    Sources

    *Lexique historique de la France d’Ancien Régime,Guy Cabourdin, Georges Viard, 2ème édition 1981 Armand Colin p. 121. Lexiques U.

     

    Registre municipal, greffe de Harréville, 8 juin 1788 au 21 mars 1793.

     

    Marcel Frantz. 1 mai 2010.

     

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