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    Les biens ecclésiastiques d’Harréville

     

      La Révolution française a saisi et mis en vente les biens ecclésiastiques (décrets des 13 mai et 16 juillet 1790) et les biens des émigrés (décrets du 2 septembre 1792 et du 3 juin 1793). L’ensemble de ces biens est appelé : les Biens nationaux.

     

               Les études à venir proposent de recenser les biens ecclésiastiques réquisitionnés, saisis et vendus dans la commune d’Harréville-les–Chanteurs. Rappelons que sur son territoire, ces biens se répartissaient comme suit : l’église st. Germain, la chapelle st. Edme, l’ermitage st. Joseph et le prieuré st. Calixte. A ces bâtiments et dépendances, il faut ajouter les terres, les prés et les forêts qui s’y rattachaient. L’ensemble représentait un patrimoine assez considérable que des cultivateurs et laboureurs de la commune exploitaient sous contrat.

     

               Les registres municipaux en font état d’une manière assez succincte à propos de l’église st. Germain où il fut procédé à l’adjudication de deux cloches et à la réquisition d’objets du culte fin novembre 1793. C’est l’objet de la présente étude. Suivra ensuite l’inventaire assez long mais richement détaillé du mobilier de l’église en juillet 1794. Les archives départementales sont bien plus prolixes pour les autres biens et permettent d’appréhender d’une manière assez fouillée ce domaine de recherches. Elles fourniront matière à d’autres articles à venir.

     

     

    I) L’église st. Germain(source : registres municipaux)

     

    1) 24 novembre 1793. Adjudication de deux cloches au plus bas metteur.

     

               Ce jourd’huy 24 novembre 1793 l’an 2e de la République française une et indivisible a la requisition du procureur de la commune ayant fait convoquer cejourd’huy lassamble (l’assemblée) par les officié municipaux et manbre du conseille en étant assamblé en la maison commune pour faire l’adjudication de la decente de 2 cloche de la toure de l’église paroissiale dharéville scavoir la moienne et la petite des 3 cloche existante en laditte tour [...] ladjudication a commance quil seroit adjugé au plus bas metteur et encheriseur tant pour les maitre en bas de la toure et les conduire au distric de Bourmont aux frais de ladjudicataire.

     

               Finalement, c’est Hubert Grandgenèvre qui a obtenu la mise pour la somme de 36 livres que la commune lui aura délivré à charge pour lui de faire descendre les deux cloches de la tour de l’église et de les emmener à Bourmont.

     

               On remarquera que le gouvernement qui avait besoin de métaux pour fabriquer des armes et qui procédait pour cela à des réquisitions avait laissé une cloche à la commune. C’était en effet le seul moyen d’avertir la population qu’il se passait quelque chose dans la commune (catastrophe, feu...) en plus des affectations religieuses ordinaires.

     

    2) 1er décembre 1793. Réquisition d’objets du culte.

     

               Ce jourd’huy 11 de frimaire de l’an second de la république en exécution de l’arrêté des députés près l’armée du Rhin, et de celui du département de la haute-marne, nous nous sommes transporté à l’église paroissiale du lieu, ou étant nous nous sommes fait représenter tous les objets en or, argent, et cuivre servants au culte qui consistent en un calice avec sa patène* en argent, pesant 2 marcs et demi et ½ once ; un ostensoire** doré pesant avec ses vers (= verres) 11 marcs et demi et 1 once ; un ciboire que nous n’avons pas pesé parceque les espèces du culte*** catholique y sont encore enfermées ; 20 chandeliers de cuivre, 3 christ, 1 croix, un benitier, 1 lampe et 1 encensoir tout en cuivre garnis du fer nécessaire pesant ensemble 183 livres, que nous avons mis à la disposition de la Nation, et que nous enverrons au temps et lieu qui seront indiqués par les commissaires dénommés. à haréville les ans et jours avants dits. Moutenot maire, N. Ethenrion pd. commune, Edme Robert, Nicolas habert, Mouton officier public f. messagé.  (Texte de la main de Moutenot).

    Notons au passage l’expression « département de la Haute-Marne » dont la création remonte au 4 mars 1790 et qui représente une nouveauté dans le paysage linguistique des utilisateurs.

    Lexique : * La patène < lat. patena, plat. Vase sacré en forme de petite assiette, qui sert à couvrir le calice et à recevoir l’hostie.

     

    ** Un ostensoir : pièce d’orfèvrerie dans laquelle on expose le Saint Sacrement à l’adoration des fidèles.

     

    *** Les Espèces du culte : Les Saintes Espèces (pain et vin) dans l’Eucharistie.

     

    Détail des objets en or, argent et cuivre :

    - un calice avec sa patène en argent 2,5 marcs + ½ once

                    = 611,875 g + 15,3 g = 627,175 g (environ 0,6 kg)

     

    - un ostensoir doré avec ses verres 11,5 marcs + 1 once

                    = 2814,625 g + 30,8 g = 2845,225 g (environ 2,8 kg)

     

    - vingt chandeliers de cuivre, trois Christ, un bénitier, une lampe, un encensoir = 183 livres = 89,5 kg.  Poids total, environ 93 kg.

     

    Cette réquisition a lieu exactement une semaine après celle des deux cloches. On remarquera que le ciboire dont le métal n’est pas précisé n’a pas été pesé car les Saintes Espèces y étaient conservées. Il n’a pas été donné non plus. C’est le seul élément religieux qu’on a préservé pour les offices. Il est évident que ni Moutenot (chapelain de st. Edme et maire de la commune) ni Mouton (curé du village) n’ont voulu céder cet objet sacré entre tous. L’ensemble des objets pesait environ 93 kg et était composé de métal doré, de fer, de cuivre et d’argent ce qui peut paraître assez important pour une petite commune.

     

               On peut également remarquer le petit nombre de représentants de la commune présents ce jour-là. Il est difficile d’invoquer les travaux des champs pour expliquer cette défection (la réquisition a eu lieu un 1er décembre). Si l’on excepte les trois officiels c'est-à-dire le procureur et deux religieux (le maire et le curé), il n’y avait que deux représentants : Edme Robert et Nicolas Habert. Comment expliquer ce petit nombre de présents lors de la réquisition des objets du culte ? S’agissait-il d’un désintérêt général pour les choses de l’église ou d’une réprobation sourde ? Que pensait-on ? Que se disait-il à l’abri des murs des maisons ? La période n’était certes pas propice à la libre pensée puisqu’elle a été qualifiée du terrible de nom de Terreur.

     


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