•  Rixes  n° 4

     

     

                Il arrive parfois qu’un simple règlement de comptes un peu musclé entre deux individus dégénère en une bagarre plus large dans laquelle s’investit un véritable clan familial suivie de représailles tout aussi brutales. Le présent article construit à partir des procès-verbaux présentés par les deux parties relate ce fait divers peu glorieux certes mais qui laisse entrevoir des haines qui éclatent au grand jour avec une brutalité à peine exagérée dans les dépositions. Les deux principaux protagonistes sont Jean Lagny et Claude Postelletous deux qualifiés de « jeunes garçons » c'est-à-dire non majeurs. (La majorité commençait alors à 25 ans).

               

                 Jean Lagny est le fils de Jacques Lagny cordonnier, époux de Barbe Royer. Joseph Lagny dont le lien de parenté avec les trois autres est flou (probablement un fils) complète le clan.

                Claude Postelle est le fils de François Postelle laboureur, époux de Marie Bas (sœur de Nicolas Bas le jeune dont quelques turpitudes ont été relatées dans les précédents articles : rixes 1 et 2). Joseph Postelle est le frère de Claude. Voilà pour le clan Postelle.


     

                1ère rixe.

     

                Le dimanche 24 juin 1792, à 16h 30, Jean Fouriot maire accompagné du greffier Jean-Baptiste Hubeaux se rendent au chevet de Pierre Minel alité dans la chambre appelée poêle pour enregistrer sa déposition. Les faits ont eu lieu la veille. Le samedi 23 juin1792, vers 13h 30, Jean Lagny sort de chez Antoine Charton. Il est accosté par Claude Postelle qui lui demande pourquoi il faisoit des reproches à ses frères et sœurs en leur disant qu’ils aillent à la forge et Jean Lagny de répondre : et quand je l’aurois dit, je suis encore bon pour le dire. Le ton monte rapidement car Claude Postelle répond : si je te donnoit une tape la dessu et Jean Lagny enchaîne et moi si je t’en donnoit 3 demain, qua cès propos ils se prirent aux cheveux et se donnere des coups de poings.


                Un prétexte futile pour une empoignade tout aussi futile qui aurait pu trouver un épilogue avec quelques bleus. Mais ce n’était pas le bon jour... Pierre Minel qui se trouvait là réussit à les séparer et ramène Claude Postelle son beau-frère jusqu'à sur le pas de la cuisine. A ce moment Joseph Charton, fils d’Antoine Charton vient avec une fourche aider son ami Jean Lagny armé d’un bâton d’épine. Tous deux frappent Claude Postelle et Pierre Minel à la tête... à ce moment est arrivé Jacque Lagnypere a qui ledit Minelauroit porté la parole en lui disant mettons la cord (mettons l’accord) retiré votre fils, comme je viens de retirer mon beaufrère,ilà répondû audit Minelplaignant que ses faussent signatures netoient faite que pour torcher son derriere, et Lagnypère se jetta sur Claude Postelle.


                Voyant qu’il n’arriverait pas à faire cesser la bagarre, Pierre Minel décide de rentrer chez lui. Mais il est attaqué par le nommé Joseph Lagnyet Jean Lagnyfils de Jacques Lagnyqui lui portèrent des coups de baton 7 a 8 coup tant sur les jambes que sur les reins et que sur la tête ou il dit avoir eu un coup seignant, et ou il paroit un coup meurtrier (qui meurtrit) a la jambe droite et l’ont abbatu par ter dont Jacques Lagnypere auroit porté un coup de pied chaussé d’un soulier sur la face a coté de leuil (l’œil)ou elle paroit encore. Et ce n’est pas fini : voilà Barbe Royer, femme de Jacques Lagny qui s’etant approché du plaignant (Pierre Minel) avec une pierre lui auroit jetté ou il a reçu le coup a la tête dont il nous (le maire et le greffier)a dit etre visible et qu’apres ce coup il fut assommé. Losqu’ilfut revenû a soi le nommé Joseph Lagny retombe sur le plaignanten le tenant aux cheveux d’une main et frappant avec un baton sur les reins de luiplaignant de l’autre. Il réussit finalement à se dégager, à ramasser son chapeau et à rentrer chez lui poursuivi a coup de pierre.


                Il apparaît, à l’issue de ce premier épisode que la dispute initiale entre Jean Lagny et Claude Postelle  semble bien avoir servi de prétexte à Jacques Lagny et Joseph Lagny pour rosser Pierre Minel qui n’était intervenu dans le conflit que pour séparer les deux trublions. Entre temps Joseph Charton s’était retiré de la bagarre tout comme Claude Postelle.



                2ème rixe. Les représailles.

     

                Le dimanche 24 juin 1792, vers 13 heures, le maire Jean Fouriot accompagné du greffier Jean-Baptiste Hubeaux se rendent au chevet de Jean Lagny alité dans le poêle pour recueillir sa plainte à propos d’une agression dont il a été victime la veille vers 14h 30. Il se garde bien de parler de la première rixe et de représailles. Il est le premier à poser sa plainte, (Pierre Minel ne le fera que vers 16h 30). Voici comment il présente les faits. Le samedi 23 juin 1792, vers 14h 30, il se rend chez Antoine Charton pour lui demander son tombereau. A ce moment, Claude Postelle qui etoit audevant de la cour de habert jeanmaire le jeune cest a dire sur la route, sans avoir donné aucune provocation audit Claude Postellece dernier auroit dit audit Jean Lagnyn’etait tu pas dimanche dans cès quartiers?), ce a quoi il à repondû que nom a l’instant ledit Postellelorroit provoqué en lui disant je te donnerez une gaffe (gifle)*  ce qui a été effectué sur le champ... A la gifle suivent deux coups de poings au même moment hubert andréscieure de long s’etant approché avec furie qui probablement etoit du partie de Claude Postellequi sortoient de boire a loberge de Joseph fouriot [...] et auroit frappé le plaignant de 2 coups de poing à la tête et ensuite accompagné de 2 coups de pieds aux parties, cès 2 dernier coup ont été au plaignanthor d’etat de ce deffendre, ou ledit hubert andréa profité de ce moment pour tarasser (terrasser) le plaignant, lui arrachant une bonne partie de ses cheveux qui nous (le maire et le greffier) été représenté...

                Jean Lagny a donc été copieusement rossé par Hubert André qui se retire au moment où arrive Joseph Postelle (le frère de Claude) qui revenoit de charûe passant sur la route ilauroit allé de propos délibéré vis-à-vis le plaignantet etoit débarassé des autres et hor d’etat de ce deffandre, ou illui auroit allongé et porte 2 grand coup de manche d’un foé (fouet) cordelé le tenant par le petit bout où le plaignantà été frappé à la tête et dans ce moment le san a rejailly de toute part... Jean Lagny se trouve sans connaissance mais il peut néanmoins reconnaître Claude Postelle lui donner des coups de pied sur tout le corps et Joseph Postelle le frapper avec le gros bout du fouet. On le traîne depuis le devant de la maison d’antoine charton jusqu’au droit du jardin potagé de charle Garnier ou il y a plus de 50 pas. C’est à ce moment qu’interviennent Marie Bas (la mère de Claude et de Joseph Postelle et sa fille qui touchait le plaignant. Et ce n’est pas fini : voilà le père François Postelle auroit encore accourû sur le plaignant pour le frapper d’une chaine qu’il tenoit à 2 mains mais heureusement le coup est tombé sur dautre sans savoir qui l’auroit reçû.


                Bref, Jean Lagny arrive à se dégager et rentre chez lui. On remarquera que Jacques son père et Joseph Lagny qui avaient été bien actifs une heure avant ne sont pas intervenus. Il est clair que Jean Lagny se pose en victime, seul contre plusieurs et il serait vain de vouloir démêler le vrai du faux dans ces deux bagarres. Ce qui paraît évident, c’est qu’elles ont bien eu lieu et que deux individus (Pierre Minel et Jean Lagny) ont été sévèrement rossés. Bien évidemment les documents d’archives ne sont pas à prendre à la lettre. Ils ne reflètent que les versions des deux plaignants et ne dévoilent qu’imparfaitement des tranches de vies bien plus complexes. Ils sont cependant suffisamment loquaces sur certains comportements déviants et laissent deviner des haines qui après avoir trouvé des exutoires pour éclater au grand jour s’assoupissent dans des silences pesants.


    * gaffe ou berlafe (à Montmédy), gifle. Dictionnaire du français régional de Lorraine, Jean Lanher, Alain Litaize. Editions Bonneton1990.


     Source : AD52, E dépôt 718.


                                                                Marcel Frantz


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