•               28 avril 1782. Election d’une matrone.


     

          En consultant les registres paroissiaux, il arrive qu’au milieu des actes de  baptêmes, fiançailles, mariages et décès, on trouve l’inattendu comme le texte ci-joint. Il s’agit de l’élection d’une matrone, autre nom de la sage-femme.

               On trouvera donc avec le document sa transcription, quelques remarques et des informations complémentaires puisés dans des ouvrages divers dont la bibliographie est présentée à la fin de l’article.



     

    Transcription : Dans la marge « Elexition d’une Matrone »


    Aujourd’hui vingt huit avril Mil sept cent quatre vingt

    deux a Lissu des vespres anne Morel femme

    de Jean Lironcourt chaudronnier demeurant a

    harèville agée de trente ans à été élüe dans

    L’assemblée des femmes à la pluralité des voies pour

    faire Loffice de Sage femme et aprêté le serment

    ordinaire entre mes mains conformément au

    Rituel de ce Diocez dont acte quelle à signée

    avec moi en presence du Sieur fouriot maire

    du Roy à harèville et de Jean Baptiste

    hubeaux Regent Décole audit Lieu qui ont

    aussi signés fait audit harèville les

    jours mois et ans avant dit.

    anne morel     J fouriot   Cj hutin

     JB hubeaux                  curé d’harreville   



     

    Quelques remarques : Outre celles déjà faites dans le premier article concernant certaines libertés avec l’orthographe académique, on se rend compte que le curé maîtrisait mal le mot élection qu’il a écrit Elexition dans la marge.


    - Anne Morel était la femme du chaudronnier Jean Lironcourt. Camille Lomon* p. 40 note un Lironcourt entre 1688 et 1700. P. 119, il relève un Lironcourt Nicolas nommé maire le 08/12/1830 et le 21/04/1895 un Lironcourt Nicolas (le même ??) élu maire. P. 157, il cite le décès de Lironcourt Marcel George le1 juillet 1915 devant Régnéville (Meurthe-et-Moselle). Joly Louis** instituteur écrit qu’en 1889 il y avait un Lironcourt chaudronnier à Harréville.


    - On peut également noter que le maire de l’époque s’appelait Jean Fouriot, futur grand-père de Pierre Fouriot qui a fait l’objet du premier article de cette rubrique (décembre 2009).


    - Anne Morel a été élue matrone à la pluralité des voix par « l’assemblée des femmes » à l’issue des vêpres –donc un dimanche- en présence de trois hommes : le curé Hutin, le maire Jean Fouriot, le régent d’école (l’instituteur) Jean-Baptiste Hubeaux. Elle a prêté le serment ordinaire entre les mains du curé.



                Quel rôle jouait l’Eglise dans un domaine féminin par excellence : l’accouchement ?


    Le lexique historique de la France d’Ancien Régime*** y répond.


    a) Accouchement (p.8) Pendant la plus grande partie des Temps Modernes, l’homme, par décence, est exclu de l’obstétrique. La sage-femme, appelée aussi matrone ou basle, doit être acceptée par le curé, souvent après choix par les femmes du village : on la désigne surtout pour ses qualités morales puisqu ‘elle est fréquemment appelée à baptiser d’urgence le nouveau-né. L’examen devant un chirurgien, malgré la mesure de 1692, n’est jamais à cette époque observé en milieu rural. La pratique parvient à doter la sage-femme d’un certain savoir-faire, mais les accidents sont fréquents, entraînant la mort du nouveau-né, ou la mère, parfois des deux...



    b) Baptême (p. 34) Par le sacrement du baptême, l’individu entre dans la communauté des chrétiens. En raison des risques de l’accouchement, la sage-femme peut procéder, s’il y a danger de mort, à l’ondoiement du nouveau-né en présence de deux témoins. Si l’enfant survit, on peut avoir recours à un « supplément  de cérémonie » de baptême.

                La crainte des parents est d’avoir un enfant mort sans baptême, puisque son âme erre sans fin dans les limbes. Dans beaucoup de régions, il existe des sanctuaires « à répit » : les enfants mort-nés y ressuscitent pendant quelques instants et on peut procéder au baptême.

                Les statuts synodaux insistent, surtout après le concile de Trente, sur l’obligation de baptiser les nouveau-nés « le plus tôt possible » ou « aussitôt que les parents pourront les porter à l’église sans danger ». Mais dès le XVII° siècle, la règle devient plus stricte. A moins d’une dispense accordée par l’évêque, l’enfant doit être baptisé dans les vingt-quatre heures, selon les statuts synodaux et les déclarations royales de 1698 et 1724. Les sages-femmes doivent avertir les prêtres de la paroisse de la naissance des enfants « si-tôt  qu’elle sera arrivée »...


                La sage-femme avait donc un double rôle :

    - celui d’aider les femmes à accoucher

    - celui d’ondoyer les nouveau-nés tout de suite après leur naissance en cas de danger de mort en attendant la cérémonie officielle du baptême à l’église si l’enfant survivait. Il fallait absolument sauver l’âme du nourrisson dès sa naissance car les décès des nouveau-nés n’étaient pas rares. En prêtant serment au curé devant témoins, ce dernier déléguait momentanément une partie de ses prérogatives à la sage-femme.


    Bibliographie.

    * Camille Lomon, Poussières du passé. Harréville-Les-Chanteurs et le prieuré saint-Calixte, imprimerie Christmann 2001.


    ** Joly Louis, Le canton de Bourmont en 1889. Tirage limité à compte d’auteur, non daté (approximativement 1990 – 1995)


    *** Cabourdin Guy et Viard Georges, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Armand Colin, seconde édition 1981. Collection LEXIQUES U.


              Marcel Frantz  1 février 2010.


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