-
Par Aldebert le 16 Février 2010 à 07:59
28 avril 1782. Election d’une matrone.
En consultant les registres paroissiaux, il arrive qu’au milieu des actes de baptêmes, fiançailles, mariages et décès, on trouve l’inattendu comme le texte ci-joint. Il s’agit de l’élection d’une matrone, autre nom de la sage-femme.
On trouvera donc avec le document sa transcription, quelques remarques et des informations complémentaires puisés dans des ouvrages divers dont la bibliographie est présentée à la fin de l’article.
Transcription : Dans la marge « Elexition d’une Matrone »
Aujourd’hui vingt huit avril Mil sept cent quatre vingt
deux a Lissu des vespres anne Morel femme
de Jean Lironcourt chaudronnier demeurant a
harèville agée de trente ans à été élüe dans
L’assemblée des femmes à la pluralité des voies pour
faire Loffice de Sage femme et aprêté le serment
ordinaire entre mes mains conformément au
Rituel de ce Diocez dont acte quelle à signée
avec moi en presence du Sieur fouriot maire
du Roy à harèville et de Jean Baptiste
hubeaux Regent Décole audit Lieu qui ont
aussi signés fait audit harèville les
jours mois et ans avant dit.
anne morel J fouriot Cj hutin
JB hubeaux curé d’harreville
Quelques remarques : Outre celles déjà faites dans le premier article concernant certaines libertés avec l’orthographe académique, on se rend compte que le curé maîtrisait mal le mot élection qu’il a écrit Elexition dans la marge.
- Anne Morel était la femme du chaudronnier Jean Lironcourt. Camille Lomon* p. 40 note un Lironcourt entre 1688 et 1700. P. 119, il relève un Lironcourt Nicolas nommé maire le 08/12/1830 et le 21/04/1895 un Lironcourt Nicolas (le même ??) élu maire. P. 157, il cite le décès de Lironcourt Marcel George le1 juillet 1915 devant Régnéville (Meurthe-et-Moselle). Joly Louis** instituteur écrit qu’en 1889 il y avait un Lironcourt chaudronnier à Harréville.
- On peut également noter que le maire de l’époque s’appelait Jean Fouriot, futur grand-père de Pierre Fouriot qui a fait l’objet du premier article de cette rubrique (décembre 2009).
- Anne Morel a été élue matrone à la pluralité des voix par « l’assemblée des femmes » à l’issue des vêpres –donc un dimanche- en présence de trois hommes : le curé Hutin, le maire Jean Fouriot, le régent d’école (l’instituteur) Jean-Baptiste Hubeaux. Elle a prêté le serment ordinaire entre les mains du curé.
Quel rôle jouait l’Eglise dans un domaine féminin par excellence : l’accouchement ?
Le lexique historique de la France d’Ancien Régime*** y répond.
a) Accouchement (p.8) Pendant la plus grande partie des Temps Modernes, l’homme, par décence, est exclu de l’obstétrique. La sage-femme, appelée aussi matrone ou basle, doit être acceptée par le curé, souvent après choix par les femmes du village : on la désigne surtout pour ses qualités morales puisqu ‘elle est fréquemment appelée à baptiser d’urgence le nouveau-né. L’examen devant un chirurgien, malgré la mesure de 1692, n’est jamais à cette époque observé en milieu rural. La pratique parvient à doter la sage-femme d’un certain savoir-faire, mais les accidents sont fréquents, entraînant la mort du nouveau-né, ou la mère, parfois des deux...
b) Baptême (p. 34) Par le sacrement du baptême, l’individu entre dans la communauté des chrétiens. En raison des risques de l’accouchement, la sage-femme peut procéder, s’il y a danger de mort, à l’ondoiement du nouveau-né en présence de deux témoins. Si l’enfant survit, on peut avoir recours à un « supplément de cérémonie » de baptême.
La crainte des parents est d’avoir un enfant mort sans baptême, puisque son âme erre sans fin dans les limbes. Dans beaucoup de régions, il existe des sanctuaires « à répit » : les enfants mort-nés y ressuscitent pendant quelques instants et on peut procéder au baptême.
Les statuts synodaux insistent, surtout après le concile de Trente, sur l’obligation de baptiser les nouveau-nés « le plus tôt possible » ou « aussitôt que les parents pourront les porter à l’église sans danger ». Mais dès le XVII° siècle, la règle devient plus stricte. A moins d’une dispense accordée par l’évêque, l’enfant doit être baptisé dans les vingt-quatre heures, selon les statuts synodaux et les déclarations royales de 1698 et 1724. Les sages-femmes doivent avertir les prêtres de la paroisse de la naissance des enfants « si-tôt qu’elle sera arrivée »...
La sage-femme avait donc un double rôle :
- celui d’aider les femmes à accoucher
- celui d’ondoyer les nouveau-nés tout de suite après leur naissance en cas de danger de mort en attendant la cérémonie officielle du baptême à l’église si l’enfant survivait. Il fallait absolument sauver l’âme du nourrisson dès sa naissance car les décès des nouveau-nés n’étaient pas rares. En prêtant serment au curé devant témoins, ce dernier déléguait momentanément une partie de ses prérogatives à la sage-femme.
Bibliographie.
* Camille Lomon, Poussières du passé. Harréville-Les-Chanteurs et le prieuré saint-Calixte, imprimerie Christmann 2001.
** Joly Louis, Le canton de Bourmont en 1889. Tirage limité à compte d’auteur, non daté (approximativement 1990 – 1995)
*** Cabourdin Guy et Viard Georges, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Armand Colin, seconde édition 1981. Collection LEXIQUES U.
Marcel Frantz 1 février 2010.
3 commentaires
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique