• RIXES A HARREVILLE

     Rixes, vols et autres incivilités.

     

    1. Nicolas Bas le jeune

     

             

              Parmi les différents thèmes que les archives permettent d’explorer, il y a celui des violences et des comportements déviants. Un premier aperçu sous le titre « Abandon d’enfant » avait déjà abordé le sujet qui est assez vaste pour s’y attarder davantage. De vieilles rancunes, des jalousies maladives, des haines sourdes, tenaces et ravageuses éclataient quelquefois subitement et on lavait son linge sale au grand jour. Quand s’y ajoutaient l’alcool, la bêtise crasse, les mots devenaient insuffisants et on s’expliquait à coups de poings, de pieds et de bâtons. Parfois, les plaignants passaient au greffe pour donner chacun sa version des faits. Les articles des mois à venir proviennent de ce terreau.

     

              Le texte qui suit est le rapport du chirurgien Charles Rouyer venu de Bourmont examiner les blessures de Nicolas Bas le jeune six jours après  l’agression dont il a été victime. Voici tout d’abord un résumé succinct des faits. Les parties écrites en bleu sont des extraits des procès verbaux. Les protagonistes sont :

    - un plaignant : Nicolas Bas le jeune, 37 ans, marchand demeurant à Harréville, mari de Jeanne-Françoise Fouriot, sœur de François-Etienne Fouriot.

    - deux accusés : François-Etienne Fouriot, 32 ans, marchand demeurant à Harréville (Nicolas et François-Etienne sont donc beaux-frères) et Germain Maret, 23 ans, militaire en permission, demeurant à Harréville.

     

              Le mercredi 16 janvier 1781, Nicolas Bas s’en revient de Bourmont et s’arrête vers 17 heures chez Henry Rollet, marchand, syndic* et cabaretier à Goncourt auquel il emprunte 2 louis d’or en 8 gros écus. Il trouve attablés François-Etienne Fouriot qui conservait depuis longtem une haine contre le suppliant (Nicolas Bas) et Germain Maret qui boivent une bouteille de vin. Ils l’invitent à boire et finissent par avaler trois autres bouteilles. Vers 21 heures, ils s’en vont en direction de Harréville. Nicolas marche en premier lesdit fouriot et Marey le suivaient d’assez près en conversant eux deux et parvenu sur le finage de haréville, fouriot avait commencé par dire : c’est icy qu’il faut en découdre... et ils le tabassent à coups de poings, de pieds et de bâton. Puis ils s’en vont en direction de Harréville. Nicolas, battu et meurtri retourne à Goncourt chez Henry Rollet chez lequel il arrive vers 22 heures : mais quelle surprise sur les dix heures du soir de voir arriver ledit nicolas Bas le jeune le visage tout couvert de sang et une de ses mains sans redingotte bleue qu’il avoit a son départ et son habit gaté de boue de même que ses culottes et bas et s’adressant au déposant en sa qualité de sindic luy dit : vous m’avez vû sortir tranquillement ; vous voyez en quel état ils m’ont mit, vous m’avez prêté huit gros écus, ce qui me fait le plus de peine c’est qu’ils me les ont pris.... (en fait, on les retrouvera le lendemain dans la neige à l’endroit de la bagarre. L’argent n’était pas le mobile de l’agression). Nicolas se fait raccompagner jusqu’à Harréville par 4 hommes de Goncourt désignés par le syndic. Il arrive au greffe vers 23 heures, réveille le greffier pour faire sa déposition et signifier son intention de porter plainte auprès du tribunal de Bourmont. L’action est portée en justice dès le samedi 19 janvier 1781 (3 jours après) par une requête sur plainte. Le mardi 23 janvier, (6 jours après l’agression), le chirurgien Claude Charles Rouyer vient à Harréville visiter Nicolas Bas le jeune. Le mercredi 7 février 1781, l’enquête commence par la comparution des témoins à Bourmont. Elle se termine le 9 janvier 1790 (9 ans après) en pleine période révolutionnaire par l’interrogatoire de Germain Maret qui entre temps avait regagné son régiment et était parti aux isles. Le tribunal conclura par une sentence de civilisation. (Si quelqu’un pouvait apporter un éclairage sur ce qu’était une sentence de civilisation, il en est remercié d’avance). On peut au passage admirer la rapidité d’intervention de la machine judiciaire dans la région sous l’Ancien Régime finissant, à une époque où le temps n’avait pas la même épaisseur qu’aujourd’hui et où les moyens de communications allaient au pas de l’homme ou de l’animal, parfois au trot...

     

     

              Rapport du chirurgien

     

              Nous Claude Charles Rouyer mtre en chirurgie demt. A Bourmont desnommé doffice en cette pars certifie quen vertu de lordonnance de mrs. Marillier doyen de mss. Les conseillers de Bailliage royal du Bassigny seant a Bourmont et de lassignation a nous donne par Lhuissier Perot le vingt deux janvier mil sept cent quatre vingt un a la requette de Nicolas Bas le jeune Marchand demeurant à hareville sous la jonction de Mr le Procureur du Roy a leffet de preter serment et de suitte proceder a la visite et reconnaissance des playes et blessures inferées sur la personne dud Nicolas Bas pourquoi et en vertu du serment par nous prettes au cas requis pardevant Mons. De Marillier au contenu de son proces verbal de ce jourd’huy. Je me suis transporté au lieu d’hareville au domicile dud Nicolas bas que j’ay trouvé couché au Lit dans le poêle** de sa maison se plaignant dans différentes parties de son corps et layant incidement examiné je luy ay trouvé le pouls dur et plain avec un sentiment de frait ayant une contusion avec un leger gonflement au front de la rondeur et largeur au moins d’un écu de six francs audessus des sourcils du cotté gauche, plusieurs legeres excoriations sur le nez à sa partie supérieure et moyenne avec enlevement de la peau, sept a huit autres excoriations sur le dos de la main droitte et des doigts même coté lesquelles commencent a se dessecher, une contusion avec echimose sur la partie externe et superieure du bras gauche setendant depuis lépaule jusqu’au coude une playe de figure ronde sur la partie interieure du tibia de la jambe droitte recouvertte d’une croute noir et de la largeur d’une piece de vingt quatre sols se plaignant des reins ce qu’ayant examiné je n’y ay reconnu qu’une contusion de la rondeur et largeur d’une piece de quatre sols situe sur los sacrum du cotté droit disant en outre ressentir une douleur dans les parties nobles ou je n’ay reconnu aucune blessure quoi qu’il dise y ressentir des douleurs. Touttes lesquels playes contusion excoriations nous ont paru être faittes a coup de poing de Baton et dongles et tendant a leur guerison que nous estimons néanmoins ne pouvoir sobtenir avant huit a dix jours dattes du present en suposant qu’il sera traité et médicamenté selon les regles de lart sauf accident pourquoy je luy ay ordonné de se faire soigner selon lexigence du cas present et dobserver un regime convenable. Lequel Raport nous avons dressé pour servir et valoir ainsy que de Raison à ce ??? et de laffirmer sincere et veritable et nous somme soussigné ce jourd’huy vingt trois janvier mil sept cent quatre vingt un.

                                                                                 Rouyer         

     

     

    * Le syndic des communautés d’habitants est chargé d’en défendre les intérêts et d’agir en justice pour son compte. Le recours aux syndics se généralise au XVIIIème siècle. (Lexique historique de la France d’Ancien Régime. Lexiques U. Armand Colin, 1981 par Guy Cabourdin et Georges Viard .)

     

    ** Le poêle : la chambre du fond derrière la cuisine, chauffée par la taque de la cheminée. Elle pouvait servir de pièce d’apparat pour les cérémonies familiales.

     

    Source : AD52 L 2464.

     

     

                                                            Marcel Frantz

                                                             29 août 2010

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